L’heureux mélange entre les mathématiques et le social I Vitrine sur le parcours de Diego Andres Cardenas Morales, étudiant au doctorat en ATDR

Diego Andres Cardenas Morales est actuellement étudiant au doctorat en aménagement du territoire et développement régional (ATDR) sous la supervision de Jean Dubé (membre régulier, ÉSAD) et de Richard Shearmur. Passionné par l’économie et l’aménagement, Diego est une personne très curieuse. Son projet doctoral s’intitule: «Tendances post-COVID des services à forte intensité de connaissances (SFIC) : Quel futur pour les espaces de bureaux dans le centre-ville?». Découvrez le parcours de cet étudiant engagé.

Qu’est-ce qui t’a amené à réaliser des études supérieures ?

Diego Andres Cardenas Morales (étudiant au doctorat en ATDR)

Apprendre, c’est vraiment une passion pour moi. Dès un jeune âge, je savais que je voulais faire un baccalauréat, une maîtrise et un doctorat. Au secondaire, j’ai commencé à lire beaucoup, des livres de Marx et de Hegel entre autres. Si les sciences naturelles et, plus particulièrement, les mathématiques m’attiraient à l’époque, j’ai rapidement réalisé que ce qui me passionnait réellement c’était le mélange des mathématiques et du social. Pendant mon baccalauréat en économie à l’Universidad del Tolima en Colombie, j’ai été assistant d’enseignement dans une école de microéconomie où j’ai découvert l’approche micro, une approche qui se retrouve dans mes travaux de recherche actuels. À la fin de mon parcours au baccalauréat en économie, j’ai suivi un cours d’économie régionale et urbaine. Dans ce cours, j’ai réalisé que je souhaitais poursuivre mes études supérieures vers la branche plus appliquée de l’économie. Le côté spatial de l’économie, la prise en compte des enjeux urbains et sociaux, m’interpellait. À la fin de mon parcours au 1er cycle, j’ai réalisé un essai sur les budgets participatifs dans la ville d’Ibagué. Ce projet pilote m’a confirmé mon intérêt profond pour les sciences sociales et, plus particulièrement, ma sensibilité aux enjeux sociaux que vivent les populations sur un territoire donné.

Sur quoi porte ta thèse ?

Ma thèse porte sur l’analyse de la géographie intramétropolitaine des services à forte intensité de connaissances (SFIC), plus précisément, dans la région métropolitaine de Montréal où on trouve un écosystème d’innovation. Je m’intéresse à la naissance, à la relocalisation, à la fermeture d’entreprises et aux phénomènes qui gravitent autour de ces mouvements. Je m’attarde aux sites de ces entreprises, à leur configuration dans l’espace.

La Covid-19 a certainement eu des impacts sur l’espace occupé par les entreprises en obligeant le télétravail et les mesures de distanciation sociale. Or, il ne faut pas penser que seule la pandémie suffise à expliquer pourquoi, par exemple, les tours à bureaux se sont graduellement vidées de leurs employés. En fait, on observe, depuis les années 90, un nouveau modèle qui s’est installé avec l’arrivée des nouvelles technologies de l’information, l’augmentation du coût des loyers et la congestion dans les centres-villes. Ce modèle a eu des impacts profonds sur l’espace économique tel que l’on connaissait jusqu’alors: les activités de plusieurs entreprises ne sont plus rattachées à un lieu physique précis, elles peuvent être menées dans une foule d’espaces et de lieux comme en témoigne le taux d’inoccupation des tours à bureaux assez important partout, mais surtout, au sein des métropoles nord-américaines.

Dans le cadre de mes travaux, je m’intéresse à ce qui attire les entreprises à s’installer dans un lieu X ou Y, mais aussi, à la dynamique territoriale de différents types de lieux centraux comme les pôles d’emplois et les technopôles de banlieue. Concrètement, il existe des indices locaux mesurables qui permettent d’évaluer quels sont les régimes d’implantation des entreprises sur un territoire donné. Il faut aussi considérer l’influence non négligeable d’une foule de facteurs sur la localisation des activités : le type d’activités réalisées, l’accessibilité au logement à proximité, la diversité des moyens de transport à disposition, les moyens financiers, les aménités, etc.

Quelle approche méthodologique utilises-tu dans le cadre de tes travaux ?

J’utilise l’approche quantitative dans le cadre de mes recherches. Je considère toutefois que l’approche qualitative est très utile pour contextualiser les données quantitatives. Le nombre d’employés dans une entreprise ou le code d’activité économique d’une entreprise ne veulent pas dire grand-chose si on n’est même pas capable de comprendre le style de gestion qui y prend place ou les objectifs soutenus par les gestionnaires de cette entreprise! Les deux approches sont complémentaires.

Dans ma thèse, je réalise une revue de littérature qui me permet de comprendre les logiques derrière les pratiques et décisions entrepreneuriales. J’ai choisi de travailler avec l’approche quantitative puisque je m’intéresse avant tout aux tendances. J’utilise plusieurs types de logiciels comme des systèmes d’informations géographiques, des modules statistiques et langages de programmation pour consolider des bases de données et développer des modèles économétriques. Je suis toujours motivé par un désir d’innover, d’utiliser de nouvelles méthodes qui répondent efficacement aux enjeux qu’on traite en aménagement du territoire. Ce qui m’intéresse surtout c’est de traduire ou d’opérationnaliser une question de recherche dans un modèle mathématique.

La carte synthétise les déménagements des services à forte intensité de connaissances (SFIC – entrées et sorties d’entreprises) dans le grand Montréal pendant la pandémie (2020-2022). Plus précisément, la carte montre que les entreprises montréalaises semblent chercher des localisations prestigieuses et de qualité au centre-ville tout en réduisant l’espace occupé et la durée des baux. Le noyau du centre-ville est donc la principale destination des SFIC en temps de pandémie. Des sous-pôles de banlieue comme le quartier DIX30 et le secteur Fabreville-Est affichent des entrées nettes de SFIC. Tandis que le Vieux-Longueuil exhibe des pertes nettes d’entreprises. Les SFIC se délocalisent généralement des quartiers centraux (adjacents au centre-ville).

Pourquoi ton domaine de recherche te passionne-t-il ? 

À la maîtrise, je travaillais sur les transactions fusion\acquisition d’entreprises à l’échelle nationale. Mon projet s’intitulait : « Évolution de la géographie décisionnelle au Canada: une analyse basée sur les activités de fusion et d’acquisition ». Avec le temps, j’ai réalisé que c’était plutôt la spatialité des activités sur une plus petite échelle qui m’intéressait, d’où mon intérêt pour la région métropolitaine. Si je me suis intéressé aux services à forte intensité de connaissances c’est non seulement parce que ces services agissent comme moteurs de l’économie actuelle, mais aussi, parce que s’intéresser à ces services implique de s’intéresser, en même temps, à des questions plus larges comme celles de la vitalité du centre-ville, de l’étalement urbain, de la croissance économique et des secteurs.

Comment tu te décris en tant que chercheur ?

En tant que chercheur, je me perçois encore comme l’adolescent qui aime étudier, qui se pose beaucoup de questions et qui aime avoir des réponses. Je suis très curieux de nature. Une expression argentine va ainsi «siempre tengo hambre de mas» («j’ai toujours faim d’avoir plus»). Cette expression me décrit bien : j’ai toujours envie d’en connaître plus, de découvrir, de chercher, d’apprendre, c’est ce qui me nourrit au quotidien. Je suis aussi convaincu qu’avant d’émettre des opinions, il faut savoir écouter. Je crois que l’écoute est une qualité qu’on gagnerait tous à développer davantage. J’ai beaucoup de questions et je considère que j’ai beaucoup à apprendre des autres.

Quelles pistes souhaites-tu explorer dans de futures recherches ?

Beaucoup de sujets m’interpellent! Il y a, notamment, les zones d’innovations. À mon sens, ce n’est pas l’intervention du gouvernement avec un programme de financement figé dans un espace particulier ou la création de parcs industriels où l’on « stationne » plusieurs entreprises côte à côte qui créent soudainement de nouveaux pôles d’innovation. La concentration n’est peut-être pas ce qui est le plus important… À mon avis, c’est de façon naturelle que les entreprises développent des collaborations et innovent. Le fait qu’il y ait des lieux de rencontres informels, comme des cafés, qui permettent aux entrepreneurs de se rejoindre, sont, au même titre que le financement, des lieux d’innovation où des connaissances circulent librement.

 

Entrevue réalisée par Melina Marcoux (coordonnatrice du CRAD), 2023